J’accompagne mon vélo dans la cale du ferry qui me fait quitter l’Europe pour l’Afrique. Je suis prêt pour cette nouvelle étape culturelle et environnementale. Mais il semble que les éléments ne daignent pas m’accorder si facilement l’accès à la terre d’Afrique.

Le bateau encore à quai, installé sur le pont, je regarde déjà l’Espagne avec mélancolie. Mes pensées lyriques se font alors violenter par une annonce du capitaine, relayée par de crachotants haut-parleurs. Le bateau n’ira pas en Afrique, il restera même à quai. Le capitaine est avare de détails et nous enjoint à quitter le navire.

Nous devrons prendre le suivant. Après quelques formalités administratives plutôt distrayantes, je rembarque sur un nouveau navire. Échaudé par la première expérience, je contrôle ses amarres et c’est seulement lorsqu’elles sont libérées du quai que je me laisse aller à divaguer mentalement et essayer de comprendre ce que je vis.

La distance augmentant et l’apparition d’un voile d’embruns font évaporer la côte européenne. La côte africaine se rapproche et se découvre. Je trépigne… Mais je ne peux m’empêcher de faire le parallèle entre ma traversée de la méditerranée et celle, inverse, qu’entreprennent des milliers de personnes dans un contexte autrement moins enviable. Léger sentiment d’indécence.
Je pose les deux pieds, les deux roues au Maroc. Je suis en Afrique du nord, à moi les écosystèmes arides et la culture musulmane. Mais les éléments me rattrapent… encore… Le transport et l’utilisation de drone sont interdits au Maroc et les douaniers qui trouvent le mien dans mes bagages me le confisquent avec délectation. Ils auront un sujet de conversation pour au moins une semaine. D’après la douanière en chef, je n’ai pas à m’inquiéter, je le récupérerais quand je repasserais à ce poste à mon retour. Sauf que je ne reviens pas. Je leur propose de l’envoyer au poste-frontière côté Mauritanie : impossible. Seule solution : prendre un billet vers l’Espagne aujourd'hui, récupérer le drone auprès des douaniers, une fois en Espagne envoyer le drone en France, reprendre un billet vers le Maroc et repasser devant les gentils douaniers sans le drone…
- Prendre un billet vers l’Espagne ce jour : check. J’ai un billet pour une traversée retour dans 2h ;
- récupérer le drone auprès des douaniers : che… ah non, pas check… Le drone aurait été amené à l’autre bout du port… Je roule à fond avec un gros vent de face, le temps tourne. Je demande la direction du fameux bureau détenteur de drone à un agent du port. Après m’avoir indiqué tout et son contraire, un de ses collègues m’interpelle et me demande de le suivre. Enfin, une info utile ? Pas vraiment, il est responsable du scanner anti-drogue, anti-arme, anti-migrant et veux que je passe le vélo au scanner ! Impossible de le raisonner (c’est un douanier).

Dépucelé du scanner, mon vélo, fier, m’emmène enfin au poste pour le drone. Le préposé, très gentil, m’offre mon premier thé d’une très longue série au Maroc. Le seul problème est qu’il n’a pas le drone… Le drone n’a pas bougé du poste douanier initial… Je retourne donc à fond vers ce dernier mais malgré ma course à la Lens Armstrong, je loupe le bateau. Je prends le suivant…
- arrivé en Espagne envoyer le drone en France : check ;
- reprendre un billet vers le Maroc :check ;
- repasser devant les gentils douaniers sans le drone… : check.

Même si les éléments se liguent pour me ralentir, je finis enfin par faire mes premiers kilomètres au Maroc (délesté de quelques kilos et d’une centaine d’euros).