Je laisse Yassine. Je pars vers Marrakech et bientôt, la « route déchetterie » mue, s’ébroue et les horribles déchets se font de plus en plus rares.

Les paysages s’ocrent, se naturalisent, se plissent. Les cuisses souffrent autant que les yeux se ravissent. Je bivouaque dans des sites splendides, mon sommeil est serein, les réveils inoubliables.

Réveil inspirant
La tente est le petit confetti marron en haut à droite.

Lorsque de rares pluies diluviennes s’abattent sur mon chemin, c’est une ferme abandonnée en adobe qui m’accueille. J’y squatte plus longtemps que le déluge ne dure. Je m’y sens bien. Les murs en terre crue sont enveloppants, je m’installe, je me repose, je mange, je joue du cornet, j’ai envie de rester là.

Mon abri de fortune
Mon activité de fortune

En plus des bouffées de doute que j’expérimente depuis le début du voyage, je ressens de plus en plus souvent une effervescence de joie, de sérénité et d’épanouissement. Comme si ça ne suffisait pas, de petites pépites étincellent sur le bord des routes. Des dizaines de Pie-grièches grises (Lanius excubitor) et une jolie Chouette chevêche (Athene noctua) pausent et me regardent avec dédain, sans complexes, du haut de leurs 20 cm...

Chouette chevêche (Athene noctua) sur le bord de la route

Un petit tour à la réserve de Rmila pour observer des gazelles dorcas (Gazella dorcas) et j’arrive dans la capitale touristique du Maroc.

Gazelle dorcas (Gazella dorcas)

Une amie arrive de France pour m’accompagner une semaine dans cette ville unique. Nous logeons dans la médina de Marrakech, un véritable labyrinthe. Les ruelles sont nombreuses, sombres, de largeurs différentes, les étals du côté droit des ruelles peuvent empiéter sur la moitié de celles-ci, ceux de gauche idem… L’effet de désorientation est encore accru par la suractivité des commerçants et des livreurs. Drôle d’expérience. Même si certaines œuvres architecturales sont splendides, l’exploration de la ville laisse un arrière-goût de faux, de toc : tourisme de masse oblige.

Plafond du Palais de la Bahia (pas très droit, mais très joli...)

Première entorse au concept de ce voyage, je vais prendre le bus, et pour 1 000km. Un équipage m’attend début décembre au Cap Vert pour la traversée de l'Atlantique à la voile et je n’ai pas le temps d’assurer la distance qui me sépare de Dakar (Port pour le Cap Vert) uniquement en vélo.

Pas besoin de démonter le vélo, toujours ça de pris...

Je rejoins alors Nouadhibou en Mauritanie depuis Marrakech via Dakhla, ville sahraouie marocaine à la frontière Maroc/Mauritanie. La dernière rencontre marquante de mon passage au Maroc : Mohammed et Mohammed.

Un des deux Mohammed, mes généreux hôtes berbères 

Ce sont deux amis qui travaillent dans l’administration de la Région. Passionnants, ils symbolisent ce qu’est ce territoire, un mélange confessionnel, culturel et linguistique. Ils ont du sang Sahraoui, arabe, berbère. Je passe une dernière nuit avec eux au milieu du désert sous une tente berbère à l’ancienne. Le repas est cuit sur le feu et le thé boue constamment sur une poignée de charbon rougeoyant. L’amazighe est une langue très mélodique et très belle, d’autant plus lorsqu’elle est émaillée de rires inopinés.

Mohammed souffle sur le charbon sous la théière

Mohammed m’accompagne au bus et m’offre son chech (écharpe indispensable dans le désert qui protège du vent, du sable et de la chaleur). Je monte dans le bus, ému. Je regarde une dernière fois vers l’arrière et salue Mohammed. Je m’endors. Quand j’ouvrirai les yeux, je serai devant les portes de la Mauritanie.