Un des principaux fils rouges du voyage est d’explorer douze réserves de biosphère de l’UNESCO aux quatre coins de notre planète. Il s’agit de zones reconnues mondialement pour la richesse et l’originalité de leur biodiversité ainsi que leur rôle environnemental majeur.
Vous trouverez une présentation succincte de chaque réserve en cliquant sur les pictogrammes de l’UNESCO correspondants, sur la carte de la page d’accueil du site. Lorsque je visite une réserve, la présentation est amendée de nombreuses données écologiques, elle devient alors une fiche d’identité détaillée. C’est la partie scientifique et objective. En parallèle, je rédige mon vécu de l’exploration via un article dans le blog, c’est la partie subjective.
Fiche détaillée de la Réserve de Biosphère de l’UNESCO : Parc national de Doñana

Cela fait quasiment un mois que je pédale. J’ai traversé des montagnes, des plaines, des zones arides, ou d’autres encore détrempées. Depuis le début du périple, je fantasme l’exploration du Parc de Doñana, première des douze Réserves de Biosphères de l’UNESCO que je vais visiter. Cette vaste zone humide ibérique, unique en Europe de par sa taille et son rôle écologique majeur, rassemble notamment jusqu’à 50 % des oiseaux hivernants en Espagne, soit plus de 500 000 animaux. À l’automne, elle constitue une halte migratoire de premier choix pour les oiseaux migrateurs européens. Elle accueille également le mythique Lynx ibérique et une diversité végétale incroyable (1 386 plantes !). Chaque jour qui me rapproche de cet écrin, j’imagine les rencontres naturalistes que je vais y vivre, je réfléchis à mon approche photographique, la mise en place d’affût photo, je prévois des interviews des gestionnaires. Surtout, je m’apprête à vivre un moment grandiose au milieu de nuées d’oiseaux plus belles et plus bruyantes les unes que les autres.

Doñana est au sud de l’Andalousie. Cette année, l’été joue les prolongations et les 80 km entre Séville où j’escale et El Rocío, les portes du Parc, sont terribles : plus de 39°C sans ombre. Je lutte et je suis obnubilé par la verdure et la fraîcheur de cette zone humide promise. Cependant, je commence à douter. Je m’approche de plus en plus et les températures restent inchangées. Les plantes de bord de routes ne verdissent pas. J’arrive au camping d’El Rocío en fin de journée, fatigué et inquiet : la végétation herbacée est absente, seuls le sable et la poussière couvrent le sol. Je monte mon abri sur un emplacement désertique comme le reste du camping. Je peux juste espérer quelque ombre des pistachiers lentisques et des prunelliers rachitiques qui font office de haies entre les emplacements.
Bon, apparemment, on n’est pas dans une période très propice à la biodiversité… Il est tout de même peu probable que cette sécheresse sévisse sur l’ensemble du parc. Je vais bien trouver de jolis milieux naturels peuplés de jolis habitants. Je me lève tôt et pédale vers El Charco de la Boca, un très vaste étang au sud du bourg d’El Rocío pour me rassurer et observer les premiers oiseaux d’eau tant attendus. Je traverse le bourg et quelques garrigues, mais au bout de deux kilomètres, pas d’étang. Je n’ai pas dû prendre la bonne route, je vérifie mon GPS. Heu… Mon coéquipier cartographique m’annonce que j’ai dû passer devant sans faire attention… Je fais demi-tour et scrute les paysages à la recherche de miroirs bleus et de cris avicoles. Malheureusement, j’arrive dans le bourg sans avoir aperçu une seule petite mare ! Petite impression de vertige.

Fébrile, je rejoins un Centre du Parc national à proximité. On m’informe sur la situation : « Ah bah, c’est sec. »… « Ah bah, il y n’a pas d’oiseaux, c’est trop sec »… « Ah bah, cette année c’est très sec »… « Ah bah, non, je pense pas qu’il y ait d’autres animaux à voir, ah si peut-être des pies, vous voyez ce que c’est les pies ? C’est beau les pies ! »… « Ah si, j’oubliais, il y a aussi des petits oiseaux dans les haies, parfois. Je ne connais pas leur nom, mais ils sont marrons ! »…
Je suis au nord du parc. Peut-être que plus au sud, il y aura des zones moins sèches et des agents compétents. En attendant, je passe deux jours à tenter de répondre aux mails et aux obligations administratives. « Tenter » parce qu’on ne me laisse pas utiliser le wifi dans les bars et on éteint les prises où je branche mon téléphone, malgré mes consommations régulières… Dans le même sens, mes sollicitations auprès de la station biologique de Doñana ne donnent rien. Je leur ai proposé un volontariat scientifique et demandé quelques informations écologiques sur la Réserve. Aucune réponse malgré trois relances puis un email « Allez au centre d’information. » Le fameux centre « les pies sont jolies »… Aucune formule de politesse, pas de bonjour, pas de signature…
L’ambiance humaine est délétère, il n’y a pas de bestioles et je dors dans une dune de poussière à tendance sauna. Situation très stimulante pour travailler sur soi…
Mes visites dans le sud du parc confirment l’absence d’eau sur l’ensemble du territoire. Les marais de Doñana se remplissent par les eaux pluviales, or, il n'a pas plu depuis des mois et toutes les zones humides sont asséchées. De plus, les températures très clémentes dans le nord de l'Europe n'ont pas décidé les oiseaux à débuter leur migration. Il n'y a aucun oiseau d'eau. La flore est desséchée. Malgré ce triste constat, les milieux naturels, même assoiffés, restent élégants. Je parcours les majestueuses forêts de pins parasols, les dunes blanches et grises de la côte, y retrouve des plantes communes aux dunes côtières vendéennes comme l’Oyat (Ammophila arenaria), la Silène de France (Silene gallica) ou encore l’aromatique Immortelle des dunes (Helichrysum stoechas). À part quelques Cerfs élaphes (Cervus elaphus) vagabondant dans un étang asséché, une trace de Lynx (Lynx pardinus), quelques Engoulevents d’Europe (Caprimulgus europaeus) et des passereaux communs, je détecte très peu d’espèces animales.


Et ce sont les cieux qui vont vraiment m'émerveiller.


Amer, je quitte Doñana, mais je suis heureux de reprendre le vélo et ma vie nomade. Bientôt, je vais quitter l’Europe et rejoindre notre berceau : l’Afrique !