Frustration versus opportunité, encore plus fort !

En juillet dernier, je vous partageais mes sensations contrastées entre la frustration de ne plus pouvoir nomader et l’incroyable opportunité de travailler au CNRS pour une station de recherche en écologie au cœur de la forêt tropicale sans aucune activité humaine. Eh bien, aujourd’hui, c’est encore mieux/pire !

Petit retour sur ces derniers mois

Depuis septembre, j’ai agrémenté mon quotidien d’un taf salarié à plein temps… J’ai remplacé ma selle pour un fauteuil de bureau, mon vélo et mes sacoches ont pleuré fort. J’ai travaillé au sein du Laboratoire Ecologie, Evolution, Interactions des Systèmes amazoniens, une unité de recherche mixte CNRS/IFREMER/Université de Guyane.

Mes missions pour la station de recherche perdue dans la forêt : gestion administrative et financière (ça, c’est de la balle…), optimisation logistique, un peu de communication et puis aussi, soutien à l’équipe sur la station en forêt. Autant dire que cette dernière mission avait un parfum légèrement différent de celui des deux autres. Un parfum d’humus, de champignons (ou plutôt de mycoses), de terra incognita. Je suis monté sur la station à trois reprises via la route, le fleuve et les airs ! Au total, près de trois semaines perché dans un écosystème amazonien quasiment intouché par l’homme moderne. Splendide et opulent !

Cette période a également été l’occasion d’améliorer mes connaissances naturalistes tropicales en sillonnant la Guyane et en vadrouillant même dans des sites naturels encore peu connus. Avec mon acolyte Allan, colocataire et interne en médecine, nous nous sommes volontairement « perdus » une semaine au sommet d’un relief quasiment inconnu écologiquement. Une semaine de pluie tropicale…Logistiquement pas simple mais naturalistement et humainement unique ! Découverte d’une mare avec des milliers de grenouilles, observation de dizaines d’espèces dont certaines très rares, superbe expérience de vie sauvage. De retour à Cayenne, on avait perdu du poids, de l’énergie, de l’espace sur nos cartes mémoires mais on avait gagné des souvenirs intenses, des photos incroyables et des maladies de peaux inconnues : ultime !

Et maintenant

Un an. Je devais rester un mois en Guyane et ça fait un an que j’y tourne. Mon approche et mes routines nomades se sont transformées insidieusement en préoccupations sédentaires : taf, sociabilisation, courses, lessive, vaisselle… J’ai espéré, à la fin de l’année dernière, que cette parenthèse figée cesserait en mars, à la fin de mon contrat et que je pourrais départir à nouveau. Mon vélo était rutilant et mes sacoches lustrées…

La situation sanitaire en Amérique du sud reste malheureusement critique et j’ai dû revoir mon planning. J’ai replié mes sacoches non sans mal et cherché une activité qui me permette de garantir financièrement la suite du périple et de m’épanouir autrement qu’en voyageant à vélo autour du monde… Eh bien, j’ai trouvé… Je viens d’être embauché comme directeur du Conservatoire d’Espaces Naturels de Guyane !

Je suis tout fébrile et proche comme jamais de la bipolarité… Frustré comme un gamin à qui l’on interdit de sortir dehors alors qu’il neige et que tous ses copains s’enjaillent dans la poudreuse et ravi comme un fan de Johnny à qui on offre une Harley.

Je suis encore guyanais pour un moment mais cette période reste une halte dans cette aventure nomade.